Lettre ouverte de Mgr Daucourt à Mgr José Cardoso Sobrinho,

Publié le par la paroisse

Archevêque de Olinda et Recife

 

Monseigneur,

 

            Vous avez récemment tenu à déclarer publiquement l'excommunication d'une mère de famille qui avait fait avorter sa fillette de neuf ans, enceinte de quatre mois, après avoir été violée depuis l'âge de six ans par son beau-père. Vous avez décidé aussi publiquement l'excommunication des médecins qui ont pratiqué cet avortement. Je réagis donc publiquement à votre intervention par cette lettre ouverte.

 

            Je vous rassure tout de suite : pour moi, l'avortement est la suppression d'une vie. J'y suis donc fermement opposé.

 

            La mère de cette fillette a peut-être pensé qu'il valait mieux sauver une vie que de risquer d'en perdre trois... Peut-être les médecins lui avaient-ils dit qu'un petit utérus de neuf ans ne se dilate pas indéfiniment... Je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que dans cette tragédie, vous avez ajouté de la douleur à la douleur et vous avez provoqué de la souffrance et du scandale chez beaucoup de personnes à travers le monde. Dans une situation si dramatique, je crois fermement que nous, évêques, pasteurs dans l'Eglise, nous avons d'abord à manifester la bonté du Christ Jésus, le seul vrai Bon Pasteur. Je suis sûr qu'Il aime cette mère et qu'Il cherche des hommes et des femmes pour l'aider à continuer la route en étant soutenue amicalement, spirituellement et, si nécessaire, matériellement. Je suis sûr qu'Il demande d'apporter de l'amour à cette fillette marquée à vie et à sa sœur aînée handicapée, elle aussi violée. Je suis sûr qu'Il demande à l'aumônerie de la prison de s'approcher du beau-père violeur pour qu'il se repente, se convertisse et redevienne un jour un homme véritable. Je suis sûr que le Christ estime aussi que, si vous le pouvez, vous parliez avec les médecins qui ont pratiqué cet avortement parce que, comme les quarante gynécologues et obstétriciens que j'ai rencontrés il y a quelques mois et dont je n'ai pas partagé nécessairement toutes les positions, la plupart d'entre eux apprécient d'être écoutés et d'entendre divers points de vue alors qu'ils vivent souvent des drames de conscience.

 

            Monseigneur, aidons-nous les uns les autres pour être avant tout des hommes d'espérance en Dieu et en tout être humain !

 

            Je suis en relation d'amitié et de collaboration avec beaucoup d'évangéliques qui sont tout aussi opposés que vous et moi à l'avortement. Ils ne proclament pas cependant de condamnation publique. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles les communautés évangéliques attirent tant de catholiques aujourd'hui, en particulier au Brésil. Je constate que l'opinion publique ne comprend rien à l'excommunication. Elle la perçoit comme une condamnation des personnes et non une proposition de guérison et de conversion. J'estime donc que nous devons trouver d'autres moyens pour dire à nos communautés que le comportement ou les paroles de tel catholique ne sont pas en accord avec ce que l'Eglise comprend et croit de la volonté de Dieu.

 

            Je ne vous cache pas non plus que je me demande aussi comment on peut dire que le viol est moins grave que l'avortement qui supprime la vie dans le sein d'une mère. Des femmes violées se sont confiées à moi. Certaines ont pu se redresser et avancer dans la vie avec le souvenir de leurs blessures qui ne disparaît jamais complètement. Mais d'autres, tout en étant physiquement vivantes, ont été tuées au plus profond de leur être et n'arrivent pas à revivre. La vie n'est pas que physique, vous le savez bien.

 

            Je n'ai pas pu obtenir le texte complet de ce qu'a dit le Cardinal Re, mais le soutien que - selon les médias - il vous a apporté ne change rien à ma réaction pastorale. Pour la clarté des relations entre évêques, j'envoie un double de cette lettre à Monsieur le Cardinal Re.

 

            Je vous prie de croire, Monseigneur, à mes sentiments attristés, mais aussi respectueusement fraternels, ainsi qu'à l'assurance de ma prière pour vous-même et ceux et celles qui, de loin ou de près, sont concernés par le drame de cette fillette.

  

Mgr Gérard Daucourt

Evêque de Nanterre 

Le 12 mars 2009

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J
Merci Mgr pour votre courage et votre approche humaine, évangélique de cette douloureuse afffaire
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M
Merci d'avoir réagit à ce scandale publiquement pour éviter à d'autres petites filles de subir le même sort. Cela montre à quel point la foi est importante pour pouvoir avancer dans la vie.
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E
Monseigneur, j'aimerais croire qu'il n'y a pas eu publiquement d'excommunication de la mère de la fillette (contrairement à ce que vous dites) après l'IVG du 04 mars 2009 - mais qu'il y a eu seulement une déclaration de Mgr Sobrinho Cardoso avant l'IVG sur l'excommunication "latae sentencia" et que Mgr Sobrinho Cardoso s'en serait tenu là. La source AFP se serait trompée. Cette déclaration d'excommunication apparaîtrait moins cruelle et moins comme une "vengeance" d'avoir échoué à empêché cette IVG.<br /> Mais je trouve sur internet plusieurs informations (en général non datées) indiquant que Mgr Sobrinho Cardoso à fait des déclarations sur la "loi de Dieu supérieure à celle des hommes" et sur la gravité du viol par rapport à la gravité de l'IVG. Ces informations suggèrent pratiquement toutes que ces déclarations ont été faites après l'IVG. On trouve sur Wikipédia que cette excommunication aurait pris place le 05 mars 2006, bien que la Conférence des Ev^ques du Brésil ait dit le 09 mars 2009 qu'il n'y a pas en d'excommunication. Est-il vrai qu’il n’y a pas eu d’excommunication spécifique de la mère ?<br /> <br /> En clair que s'est-il réellement passé ?<br /> <br /> Merci.
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L
<br /> Je vous invite à lire cet article du journal La Croix.<br /> <br /> <br />
S
Monseigneur<br /> Tout d'abord merci d'avoir réagit face à ce scandale.<br /> Mais, je vous trouve bien gentil avec votre "confrère".<br /> Il me semble , que nous revenons quelques siècles en arrière au temps de l'inquisition. Si cet éveque avait vécu à cette époque , il aurait peur être brulé cette pauvre mère , sa fille et l'équipe médicale...<br /> Le plus scandaleux dans cette affaire est que cet évèque n'a pas eu un mot de condamnation pour le violeur, il me semble qu'il existe le péché par omission...<br /> Moi qui suit enseignant dans un collège privé , il m'est absolument impossible de cautionner ce genre d'attitude irresponsable et d'expliquer à nos jeunes cette injustice supplémentaire faite à cette pauvre enfant....<br /> Si excommunication il doit y avoir ( pour le bien de l'église) ce n'est pas envers ceux la que mon regard se dirigerait.....
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L
Merci de vousêtre fait ainsi, l'interprête d'une grande majorité d'entre nous, catholiques ou non .Comment scandaliser tant de chercheurs de Dieu et d'hommes de bonne volonté qui risquent de se détourner, encore davantage, de notre Eglise catholique si malmenée, malgrès tous les véritables saints qu'elle engendre, toujours de nos jours, et suscitent tant d'émerveillement et de respect !
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