Homélie du Père Pierre Bonnefond

Publié le par la paroisse

au cours de la messe d'action de grâce pour ses 60 ans d'ordination sacerdotale (6 juin 2009)

Nous venons d'entendre cette parole de Jésus à ses disciples : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit.» Cette Parole, propre à la liturgie de la fête de la Sainte Trinité, convient parfaitement à la fête des 60 ans de Sacerdoce. Ce fut certainement une des Paroles de Jésus qui, un jour, a retenu mon attention.


Mais une autre parole du Nouveau Testament., pendant ces 60 ans de ministère, a souvent traîné dans mon esprit. C'est une phrase de l'apôtre Paul : « Malheur à moi, si je n'annonce pas l'Evangile ! » Cette exclamation de Paul interpelle tout disciple. Et elle provoque sans cesse cette question : "Que fais-tu pour  annoncer l'Evangile ?" Une chose est certaine : l'Evangile n'a pas changé, mais la mise en pratique de  son annonce dans ma vie de prêtre a changé au cours de ces 60 années. J'ai été obligé d'évoluer face aux réalités de la mission. Il y a eu aussi le Concile Vatican II, (1962-1965) qui a suscité dans l'église et pour tout prêtre, un dynamisme nouveau. Ce fut un temps de renouveau exceptionnel dans une église que j'aimais.

Finalement, en vue de cette annonce de l'Evangile, qu'est- ce qui, dans ma vie de prêtre, me soutient toujours et m'aide dans ma fidélité au Seigneur ? Je voudrais répondre à cette interrogation en évoquant quelques convictions, qui m'aident dans ma vie de prêtre et me permettent de dire que je suis heureux. D'où l'action de grâce d'aujourd'hui.

J'ai retenu trois points : Quelques étapes de ma vocation, toutes sous le signe de la confiance. Le rôle des communautés chrétiennes que j'ai rencontrées. Ma confiance en l'Eglise.


1° Quelques étapes de ma vocation

Comme pour toute histoire, il y a eu des étapes dans ma vocation, puis dans ma vie de prêtre. Ces étapes, je les ai vécues dans un climat de paix intérieure et de confiance en l'avenir. (Il est impossible de prévoir l'avenir, mais il y a toujours la possibilité de faire confiance en l'avenir).

Pourquoi un appel très jeune et pourquoi une réponse plus tard ? Je suis sûr que l'ambiance familiale et le climat dans lequel j'ai vécu m'ont beaucoup aidé. Je le dois à la foi de mes parents. En tout cas, des moments précis sont restés dans ma mémoire. C'est une chance. (Heureuse mémoire, dans mon histoire en tout cas !). J'évoque quelques uns de ces moments.

Par exemple, celui-ci. Je le lis comme un premier appel. Ce fut un simple désir de faire quelque chose pour Dieu. Cela se passa lors d'un moment de prière à l'époque de ma première communion. Je m'y revois encore. Je ne savais certainement pas le sens de ce désir et ce à quoi il m'engageait. Je ne l'ai compris que plus tard.
D'autres moments furent aussi comme des appels : c'était chaque fois que je passais au Carmel de Lisieux au cours des vacances en Normandie. Thérèse de Lisieux a rempli son rôle de  missionnaire par excellence, et elle a su tenir en éveil chaque année mon premier désir.
Egalement reste toujours présent à mon esprit un autre moment : ce fut ce qu'on appelle dans le scoutisme, « le départ routier ». Cela s'est passé au cours de ma vie d'étudiant, en 1942, pendant la guerre, à l'époque de l'occupation allemande ; les jeunes de 20 ans se posaient des questions sur leur avenir immédiat, le départ en Allemagne ou participer à la Résistance...  « Ta vie, à la lumière de ta foi, que vas-tu en faire ? ». Le Christ, à la lumière de son Evangile, m'est apparu comme la seule réponse. Lorsque j'ai fait part à mes parents de ma décision d'entrer au séminaire, (ce dont je ne leur avais jamais parlé), ils m'ont écouté. Et j'entends encore la parole que mon père m'adressa le lendemain. « Oui, j'ai prié cette nuit. J'accepte de tout cœur ta décision ». C'était il y a 65 ans. Prêtre aujourd'hui : je n'oublie pas ces moments. Je les lis comme des signes qui me motivent toujours.


Au lendemain de mon ordination, j'ai le souvenir d'avoir été heureux de passer deux ans au petit Séminaire de Paris

Puis pendant 30 ans, mon ministère se déroula en banlieue parisienne. Mes premiers contacts avec la Banlieue -« La banlieue rouge » comme on l'appelait à l'époque, d'abord à Bobigny lorsque j'étais séminariste, puis plus tard comme prêtre à Bagnolet- restent toujours présents à ma mémoire. Un monde totalement nouveau pour moi qui venais de la banlieue ouest de Paris ! Sa découverte et mon adaptation comme prêtre m'ont toujours rendu heureux. J'en rends grâce aujourd'hui. Puis ce fut à Nanterre, à l'époque ou il y avait des bidonvilles aux portes des églises. On ne peut pas rester neutre dans cette circonstance. Ce furent des appels très forts pour poursuivre la mission

Puis, en 1982, 2ème partie de ma vie de prêtre, ce fut un véritable bouleversement dans ma vie de prêtre. Nouvel forme d'appel. J'ai fait confiance. En passant de Nanterre à Saint-Cloud, je suis entré dans un monde sociologiquement différent. C'est vrai, j'y ai retrouvé le monde de mes origines. Et il a fallu « être prêtre » dans une communauté favorisée, mais qui essayait d'être une « église servante », ouverte au monde, non propriétaire et orientée vers le service du monde et de l'Eglise. J'ai toujours cru que le chrétien remplit sa mission en étant apôtre au cœur de sa vie  familiale, professionnelle et civique. C'est la vocation des Mouvements d'action catholique (l'ACI), encore aujourd'hui. C'est pourquoi, j'ai investi dans ces mouvements d'Eglise. J'en rends grâce à Dieu.


Voici donc quelques étapes de ma longue vie de prêtre diocésain. La confiance des premiers jours, je l'ai encore. Je relis tout cela comme une grâce du Seigneur.

 

2°  Le rôle des communautés chrétiennes que j'ai rencontrées

Le rôle des communautés chrétiennes dans ma vie de prêtre a été très important. C'est même essentiel pour la mission. C'est une deuxième raison de mon action de grâce d'aujourd'hui.


Au cours de mes différents ministères j'ai toujours été soutenu par elles. Ce fut une chance. Grâce à ce soutien, le prêtre dans le ministère ne reste pas seul. (Il est évident qu'avec le Christ, l'on n'est jamais seul). Mais pour l'humanité du prêtre, d'une certaine manière, la communauté est comme sa famille. Pour reprendre le langage de l'Evangile, le prêtre doit être à l'image du Bon Pasteur, qui aime ses brebis. Il les nomme par leurs noms et les brebis le connaissent. Eh bien, l'équilibre humain et spirituel de ma vie de prêtre, je le dois aux rapports fraternels qui, tout au long de ma vie sacerdotale, se sont toujours développés et maintenus. Je suis sûr qu'il en est ainsi pour tout prêtre. J'insiste en vous disant cela. Car les communautés chrétiennes, et plus largement les groupes humains que l'on est amené à côtoyer, ont un rôle dans l'orientation d'une vocation, dans la manière de la soutenir et éventuellement de la faire évoluer. C'est particulièrement dans les moments difficiles, (par exemple des échecs dans le ministère, la solitude, l'incompréhension de certains, des décisions de supérieurs mal comprises), que la présence d'une communauté ou tout simplement d'une équipe est très précieuse. Peut-être tel ou tel abandon n'aurait pas eu lieu s'il y avait eu une communauté plus accueillante et plus fraternelle ! 


J'en profite donc aujourd'hui pour exprimer un immense merci à quelques unes de ces communautés :

D'abord à tous les membres de ma famille qui m'ont toujours soutenu spirituellement et matériellement, matériellement surtout au cours de mes années de ministère à Bagnolet et à Nanterre, où l'Eglise locale était pauvre.

Un immense merci à la multitude de ceux qui ont pris des responsabilités dans l'Eglise, qu'ils soient des petits ou des grands, et qui ont accepté de partager la tâche avec moi. C'est en grande partie grâce à eux, plutôt que grâce à mon savoir faire, que bien des entreprises apostoliques ont porté des fruits, nous tous serviteurs inutiles.

Un immense merci à tous ceux qui ont cheminé en équipe et que j'ai eu la chance et la joie d'accompagner. Leur fidèle amitié me réjouit toujours. Qu'ils sachent qu'ils m'ont toujours confirmé dans ma foi. Les nombreux partages de vies à la lumière de l'Evangile m'ont permis d'être (autant qu'il est possible), proches de vous et plus compréhensif dans mon ministère. Cela est important pour un ministre de Dieu.

Un immense merci aussi à tous mes frères prêtres : je pense à mon premier curé à Bagnolet qui m'a formé au ministère, puis à celui qui m'a appris à travailler en équipe à Nanterre. Je pense aussi à tous les autres : les présents, ceux qui ont pu venir et les autres. Tous d'une manière ou d'une autre, par leur amitié, m'ont aidé à être ce que je suis.

Un dernier merci, qui n'est pas des moindres, à tous ceux qui dans notre société sont souvent mis à l'écart, les moins favorisés de la vie. En maintes circonstances, par leurs témoignages de vie ils ont été de merveilleux signes de Dieu dans ma vie,

 

3° Ma confiance en l'Eglise

Comme ce le fut dès le premier jour, je fais toujours confiance à l'Eglise. On en parle beaucoup de l'Eglise, très souvent pour la critiquer ou pour dire qu'on pourrait se passer d'elle. Eh bien, j'aime l'Eglise. Je ne m'y suis jamais mal trouvé, même s'il y a eu en certaines circonstances des réactions d'incompréhensions. Je dois à l'Eglise la grâce de la foi et de l'ouverture. Que n'ai-je pas reçu d'Elle ? Aujourd'hui encore, je pense à l'impact du livre : « France, pays de mission », à la lettre pastorale du Cardinal Suhard archevêque de Paris en 1948 : « Le prêtre dans la cité », à l'expérience des prêtres ouvriers que j'ai côtoyés à Bagnolet et à Nanterre. L'Eglise que je vois, quoi qu'on en dise, est vivante : par son approche de la vie des hommes (elle intervient pour la Paix, pour les familles, pour de meilleurs conditions de travail, .....) , par la participation du Peuple de Dieu à la liturgie (le renouveau a été une grâce), par le rejet d'une certaine richesse, qui a été et qui est peut-être encore un obstacle à la foi, par la ténacité à rester au service des pauvres, des malades, des handicapés, par le dialogue œcuménique, par la liberté religieuse qu'elle rappelle sans cesse. Oui, notre église est vivante ! C'est pour moi une évidence. Vatican II en est le grand signe. Sa mise en pratique demande la persévérance de tous. Ce n'est pas fini. A cette Eglise, je fais toujours confiance. Objet de mon action de grâce aujourd'hui.


Mon dernier mot sera une parole de Jésus : « Votre joie, nul ne pourra vous la ravir ». Merci Seigneur !

dans un milieu éducatif orienté vers la vocation de jeunes. J'ai pu, dans ce milieu, approfondir ce que devait être la vie du prêtre. Je m'en souviens comme d'une grâce. 
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