La décoration de Carême
La période de carême est un temps de dépouillement : on se débarrasse de tout ce qui nous encombre inutilement. L’Eglise dans sa sagesse ne propose pas (sauf pour les consacrés) cet effort pour toute l’année, mais dans un temps réduit où notre attention peut se tendre et notre vigilance ne pas se distraire.
La liturgie suit le même mouvement. Le « Gloire à Dieu », l’Alléluia, l’encensement, les fleurs, tout cela est écarté, pour mieux rendre compte de la joie dominicale quand reviendra Pâques, source et raison du dimanche.
Le décor de l’église s’adapte à cette période. La toile de lin écrue de facture assez grossière qui est tendue au fond de l’abside ne porte que la couleur violette, celle de l’attente, mélange du bleu de la nuit et de la clarté rougeoyante de l’aurore. En effet, dans la foi chrétienne, il n’y a pas de nuit qui ne connaisse l’aurore, et l’attende. Violet donc, encadrant une simple croix grecque posée en hauteur à la proportion du tiers. Une reprise de la toile écrue et du violet couvre l’autel, de même l’ambon ; ce qui vient jusqu’à nous se revêt des mêmes signes de sobriété et d’attente. Et pourtant, il faut que cela reste beau, il faut même que cela soit plus beau qu’à l’habitude car cette sobriété, cette ascèse, c’est notre humanité qui tente de sortir de son consumérisme, de ses distractions dispersantes qui l’assomment et l’abaissent. Et cette sortie est sa grandeur restaurée, sa joie, sa beauté. Par cette frugalité, l’humain en nous émerge à nouveau à la lumière, belle mais encore lourde de nos empêtrements.
Une chasuble a été réalisée par un couturier spécialement pour cette période (1). A dire vrai, il s’agit d’une tunique, presque une dalmatique, c’est le vêtement du service. Là encore, c’est un appel à l’attention du carême qui nous ouvre au service d’autrui. La toile, presque revêche, fait penser à une bure, le premier vêtement des religieux, rappelant que tout doit être ordonné à Dieu, notre destinée. Une étole violette, parsemée de lumière vient par-dessus.
L’art Baroque avait unifié la décoration du retable et des ornements liturgiques. La chasuble était couverte de broderies et de motifs décoratifs qu’on retrouvait dans les panneaux du retable, incorporant ainsi le prêtre dans ce que signifiait le décor devant lequel il officiait et dans lequel il disparaissait littéralement ; visuellement, on ne le distinguait quasiment plus ; théologiquement, son ministère s’unissait à celui du Christ.
Pour les Rameaux, quelques éléments s’ajouteront, mais à peine. Puis viendront les jours de la Semaine Sainte et leurs décorations spécifiques.
Père Bernard Klasen
(1) Elle me fut offerte par une paroisse où je rends quelques services tous les étés.